deuxième partie de cet article
Que pensez-vous du soutien de Robert Hue à Francois Hollande ?
Jean-Luc Mélenchon. Je trouve cela désolant. Cela fait beaucoup de peine à de nombreux communistes.
Est-ce que vous avez
un problème avec les femmes ? Durant votre
débat avec Mme Le Pen,
auriez-vous été aussi
courtois si le candidat
avait été un homme ?
Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes un peu comme Monsieur Le Pen, vous pensez qu’une femme n’est pas capable de se défendre toute seule ? Ce soir-là, je n’ai pas polémiqué avec une femme, j’ai polémiqué avec le chef du Front national. Si j’étais tombé sur une buse masculine, j’aurais agi de la même façon. D’ailleurs, à la distribution des prix, le père en a pris autant que la fille.
Je suis le seul homme qui copréside un parti avec une femme. Le Front de gauche est la seule structure politique strictement paritaire. Ses huit porte-parole sont quatre hommes et quatre femmes. Je pense que nous sommes le front du féminisme. Cela ne veut pas dire que les autres ne le sont pas, mais ils ont beaucoup de progrès à faire pour être aussi féministe que le Front de gauche.
Quand on demande qui est favorable à la création d’un ministère du Droit des femmes, tout le monde répond oui avec enthousiasme. Quand je demande qui est favorable au Smic à 1 700 euros, on me répond que cela n’a rien à voir. Je leur réponds que 80% des smicards sont des smicardes. Voilà un droit des femmes concret. Le droit à un salaire décent. De la même façon, 85% des précaires sont des femmes. Avec ces propositions, où sont passés les enthousiastes ?
Jean Michel Aphatie, qui travaille pour RMC et le Grand Journal, a vu dans l’utilisation du terme «démente» la preuve de ma misogynie. Eh bien, je suis au regret de dire qu’il y a des déments et des démentes. La névrose obsessionnelle xénophobe de Mme Le Pen est un grave déséquilibre et je la plains beaucoup. Elle a besoin d’être secourue : ce n’est pas normal d’être à ce point anxieux des étrangers. Ce n’est pas normal d’avoir peur de ce qui se trouve dans son assiette et de voir de l’islam ou du judaïsme dissimulé dans un bifteck.
Quelle est la stratégie du Front de gauche pour convaincre les citoyens issus des banlieues ? Qu’est-ce qui vous différencie du Front national ?
Jean-Luc Mélenchon. Le Front de gauche a l’avantage sur le Front national d’être réellement dans les banlieues. J’ai passé vingt ans dans une banlieue. Mme Le Pen, elle, a passé l’essentiel de sa vie dans un palais payé par son père. Nous parlons aux banlieues comme nous parlons à tous les êtres humains. Nous n’acceptons pas la territorialisation de l’existence humaine. Les politiques des banlieues sont toutes des questions transversales. Dans une banlieue on a besoin d’écoles, d’instituteurs, de centres de santé, ce sont des questions de dépenses publiques.
Beaucoup de gens confondent la banlieue avec les quatre ou cinq loustics que tout le monde voit. Ceux qui portent des cagoules et ont des battes de base-ball. Ceux-là sont des bouffons. On n’a rien à leur dire. Nous pensons à tous les autres qui veulent vivre dignement de leur travail. Nous pensons à ceux «qui ont les boules» parce que leurs familles se sont sacrifiées pour qu’ils fassent des études, qu’ils ont un diplôme mais qu’ils ne trouvent pas de travail parce qu’ils n’ont pas la bonne adresse. Comment pouvons-nous régler ces problèmes ? D’abord idéologiquement, en menant la guerre politique.
Ensuite, on fait des problèmes entre Françoise et Yasmina aussi longtemps qu’il n’y a qu’un emploi pour deux. Mais quand il y a trois emplois pour deux, il n’y a plus de problème, on prend tout le monde. J’ai connu cette situation en 2001, en Loire-Atlantique, sur le chantier naval de Saint-Nazaire. À ce moment-là, nous avions 2,5% de croissance. Les patrons allaient à la porte des chantiers se disputer les ouvriers. Voilà comment nous réglerons le problème. Si nous relançons l’activité, bien des discriminations voleront en éclats. La solution à la plupart de nos problèmes se résume en un seul mot : le fric. Du fric, il y en a.
Dans votre programme, vous évoquez le droit à la ville, vous souhaitez restaurer la mixité sociale. Quels instruments soutiendront cette démarche ?
Jean-Luc Mélenchon. Pour avoir dessiné un quartier à Massy, c’est quelque chose que je connais : mélanger les gens, ça tient. Vous mettez les riches ensemble, c’est mortel, on s’ennuie à mourir. Ils mettent des digicodes partout, ils sont barricadés chez eux en montant des murs avec des barbelés dessus, ils se payent des vigiles. Personne ne veut vivre dans le 6e ou le 7e arrondissement. Moi j’habite dans le 10e, un arrondissement normal, les gens sont de toutes les couleurs, c’est sympa, c’est vivant.
Si vous mettez tous les pauvres ensemble, c’est le même scénario : il n’y a que de la misère à partager. Donc, vous commencez à voir des gens qui tiennent les murs, à voir toute la détresse psychologique qui ressort de la misère sociale. Par exemple, en Nouvelle-Calédonie, il y a les Kanak d’un côté et les caldoches de l’autre. Personne ne se mélange, résultat, c’est la pelée depuis un siècle et demi. Donc, le principe de mixité sociale, c’est un principe de vie. Si quelqu’un est capable de me décrire une autre forme de bonheur, j’attends qu’il me la raconte. Est-ce qu’on peut influer sur la mixité sociale d’un quartier par une politique volontariste ? La réponse est oui.
demain dernière partie de cet article.
extrait tiré du site l'Humanité.fr du 12 mars 2012